Grenelle contre les violences conjugales en Ille-et-Vilaine

Mis à jour le 10/02/2022

Publié le 20 novembre 2019

Dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales lancé le 3 septembre 2019 par le Premier ministre, de nombreux travaux ont été engagés sur tout le territoire, afin d’aborder cet enjeu majeur de société sous ses différents aspects et de permettre l’élaboration d’un plan stratégique quinquennal national efficient.
En Ille-et-Vilaine, ce sont près de 1000 femmes qui ont déposé plainte pour des violences au sein du couple depuis le début de l'année. Dès l’été 2019, la préfète d’Ille-et-Vilaine et les procureurs de Rennes et de Saint-Malo avaient initié une réflexion sur la prise en charge de ces femmes. Objectif : établir un schéma directeur départemental dédié, à déployer dès 2020.

Parce que la lutte contre les violences faites aux femmes ne saurait se résumer à une réponse judiciaire, quatre axes prioritaires de travail ont été identifiés pour ce schéma directeur départemental, outil de pilotage et d’accompagnement d'une stratégie territoriale partagée :

1. l’éducation à l’égalité femme-homme et la prévention des violences faites aux femmes,
2. la prise en compte de la victime (accueil, mains courantes, plaintes, constatations médico-légales, hébergement, dépendance financière …),
3. la prise en compte des auteurs et la prévention de la récidive,
4. la prise en compte des enfants mineurs (victimes collatérales).

Prévenir, protéger et prendre en charge, punir pour mieux protéger

Fondé sur des constats partagés, le combat contre les violences faites aux femmes requiert une approche pluridisciplinaire, la définition d’objectifs communs, des actions cohérentes, complémentaires et inscrites dans la durée.
A partir de ce constat, la préfète d'Ille-et-Vilaine, Michèle Kirry, le procureur de Rennes, Philippe Astruc, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rennes, et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Malo, Christine Le Crom, ont réuni autour de la table de ce Grenelle d'Ille-et-Vilaine, professionnels, spécialistes et experts les plus pointus - agents des services de l’État, élus locaux, associations, forces de l’ordre, éducateurs, magistrats, travailleurs sociaux, professionnels de la santé, du logement, etc. - pour qu'ils apportent leurs témoignages, leurs analyses et leurs recommandations de politiques publiques.

Les travaux des acteurs du monde éducatif, judiciaire, pénitentiaire, médical, social* ont été restitués mardi 19 novembre, à l’hôtel de la préfecture de région à Rennes, afin de définir les orientations à retenir dans le futur schéma départemental de lutte contre les violences faites aux femmes, qui sera déployé en 2020.

Les quatre groupes d’experts ont travaillé sur l’existant dans le département, les manques identifiés et les actions à conduire. Leur analyse a également été conduite en suivant trois temps distincts : la vie en couple, la séparation et la période post-séparation.

Le constat partagé par tous les experts est la nécessité d'une culture commune partagée et d'un travail en partenariat étroit de l'ensemble des  nombreux acteurs intervenant auprès des victimes de violences conjugales. A ainsi été préconisée la création d’un dispositif de formation spécialisé et pluridisciplinaire pour tous les professionnels en contact avec les plaignantes. 

1/ Éducation à l'égalité et prévention primaire des violences faites aux femmes

Sur le territoire, sont déjà mis en place des interventions en milieu scolaire, dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), des accompagnements dans le développement de projets autour de l'égalité fille/garçon dans les structures jeunesse. De même, des travaux sont engagés avec le secteur de la petite enfance pour mieux former les assistantes maternelles et les personnels des crèches sur la question des stéréotypes. Un  comité de pilotage travaille à mieux identifier et coordonner les actions mises en place dans les établissements scolaires en matière notamment de vie affective relationnelle et sexuelle.

La formation des professionnels de l'animation est à renforcer pour développer plus largement des actions de sensibilisation des enfants et des jeunes (petite enfance, scolaires 1er et 2d degrés publics et privés, péri-scolaires...). Il est proposé la constitution d’un réseau de formateurs pour favoriser une dynamique locale et afin de couvrir tous les territoires du département.

2/ Le parcours judiciaire de la victime

Il existe de multiples dispositifs d'accueils des plaignantes qu’il serait souhaitable d’ étendre et de généraliser :
- le réseau violences intra-familiales (VIF) de la gendarmerie nationale
- le bureau d'aide aux victimes et de soutien psychologique du commissariat de Rennes
- les intervenants sociaux police / gendarmerie
- l'unité médico légale du CHU de Rennes / le dispositif VIF du centre hospitalier de Saint-Malo
- le groupe de défense des victimes du Barreau de Rennes / les consultations gratuites du barreau de Saint-Malo/Dinan
- le dispositif d'aide aux victimes des associations spécialisées (SOS VICTIMES, AIS 35, CIDFF 35, ASFAD, Planning familial 35, UAIR)
- la plateforme départementale de lutte contre les violences faites aux femmes (gérée par l'ASFAD)
- l’accueil et l’accompagnement des victimes par les Centres départementaux d'action sociale (Conseil départemental)
- l’accueil et l’accompagnement des victimes par les assistantes sociales de la CAF
- la mise à disposition de places d'hébergement réservées aux femmes victimes de violences et leurs enfants.

Le groupe de travail propose de mobiliser les acteurs autour d'un référent unique pour une évaluation globale de la situation de la victime, si possible dans un lieu unique ou à défaut favoriser les transports. Il faudrait également faciliter les démarches et mettre en place un parcours de sécurisation de la victime : assurer une pédagogie des décisions judiciaires, instaurer des circuits courts s'agissant des procédures judiciaires relatives aux victimes, assurer un meilleur lien entre les procédures pénales et civiles concernant la même victime, favoriser le maintien au domicile de la victime et l'éloignement du conjoint violent.

3/ Prise en compte des auteurs et la prévention de la récidive

De nombreux partenariats sont conclus en  Ille-et-Vilaine :
- le planning familial et la PJJ ont conventionné ensemble pour pouvoir intervenir auprès des jeunes auteurs de violences, en dehors de toute obligation/procédure judiciaire dans un objectif de sensibilisation et de désamorçage des comportements violents.
- des stages de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du
couple et sexistes sont mises en place par l’AIS 35 (réservé à des personnes qui ont commis un acte ponctuel)
- mis en place dans l’administration pénitentiaire, le dispositif  « Dernier écrou » permet aux jeunes de 18 à 25 ans incarcérés de bénéficier d’un accompagnement renforcé par la mission locale pour construire leur projet de sortie.
- le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) propose un programme de prévention de la récidive pour les auteurs de violences conjugales et le programme « Rester serein pour investir des relations équilibrées » (RESPIRE).

La coordination entre les différents acteurs associatifs et institutionnels intervenant auprès des auteurs de violences faites aux femmes doit encore être renforcée pour mieux évaluer puis orienter les auteurs de violences faites aux femmes en matière de soins thérapeutiques, socio-éducatifs, psychologiques.
Le groupe de travail suggère ainsi :
- la création d’un pôle d’évaluation et d’orientation
- l’ouverture d’un numéro gratuit (type SOS amitiés), gratuit, être accessible 24h/24, garantissant - l’anonymat,
- la création de lieux d’accueil et d’écoute spécifiques en matière de violences : la proximité pour une réponse rapide et une accessibilité facilitée.

4/ Prise en compte des enfants mineurs (victimes collatérales)

De nombreuses études ont pu montrer que les enfants exposés aux violences intra-familiales répétées sont plus à risque de développer, notamment à l’adolescence, des conduites d’agression ou de victimisation. Ces enfants constituent donc une population vulnérable qui ne vient pas consulter dans des dispositifs classiques de pédopsychiatrie et qu’il est important de repérer et rencontrer.

Les actions mises en place sur le territoire bretillien :
- le CRIFEM, (équipe Mobile de crise intrafamiliale) est un dispositif de prise en charge thérapeutique précoce des enfants exposés aux violences intra-familiales et de leurs parents, grâce à un partenariat avec la gendarmerie qui transmet les informations au CRIFEM par une fiche navette, le jour-même de l’intervention au domicile ;
- la cellule d'accueil spécialisé enfant en danger (CASED) à l’unité hospitalière pédiatrique spécialisée dédiée à l'enfance en danger. Il s'agit d'un dispositif d'évaluation de la santé globale, de soins et d'expertise des enfants pour lesquels un professionnel suspecte une situation de danger ;
- le dispositif VIF de Saint-Malo, proposé aux victimes ayant des enfants afin que ceux-ci soient reçus en consultation de pédopsychiatrie rapidement pour évaluation de leur état de santé psychique ;
- le dispositif périnatal de Saint-Malo, systématiquement mis en place pour les tout-petits vulnérables et comportant un suivi somatique et psychique/développemental prospectif.

Ces dispositifs locaux bénéficient d'évaluation positive mais gagneraient à être étendus à l’ensemble du département d’Ille-et-Vilaine. Le déploiement de plusieurs projets est à l'étude.
De même, la mise en place d'une plate-forme informatique collaborative Enfance en danger au niveau départemental puis régional pourrait favoriser les liens entre les professionnels.

 * Les acteurs concertés :
Préfecture
Conseil départemental
Association des Maires
Ville de Rennes
Tribunaux de grande instance de Rennes et Saint-Malo
Conseil départemental d’accès au droit
Barreaux de Rennes et Saint-Malo/Dinan
Caisse d’allocation familiale
Groupement de gendarmerie
Direction départementale de la Sécurité publique
Éducation nationale
Service pénitentiaire d’insertion et de probation
Agence régionale de santé
CHU de Rennes / Unité médico-judiciaire / CHGR / CH Saint Malo
Conseil départemental de l'ordre des médecins
Médecins spécialisés
Associations ou structures spécialisées (Planning familial, AIS 35, FRANCE VICTIMES 35 SOS victimes, AFSAD, UAIR, Le Goéland, CIDFF 35, Liberté couleurs, Coallia)
Société bretonne de psycho-criminologie

Pour rappel :

En 2018, 149 personnes sont décédées sous les coups de leur partenaire ou de leur ex-partenaire de vie (contre 151 en 2017 et 157 en 2016). Parmi ces victimes, on dénombre 121 femmes, et 28 hommes. Une femme meurt tous les trois jours tuée par son conjoint ou ex-conjoint. L’année 2019 s’annonce particulièrement meurtrière puisque le cap des 100 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint est déjà en passe d’être franchi. Face à ce constat, le Premier Ministre a lancé un Grenelle contre les violences conjugales pour mobiliser tous les acteurs sur ces questions afin d’aborder cet enjeu majeur de société sous ses différents aspects et de permettre l’élaboration d’un plan stratégique quinquennal national efficient qui sera présenté le 25 novembre 2019.

Pour en savoir + :

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